— T’aurais pas une clope ?
La question tira Johnson de sa rêverie. Il errait dans les rues depuis quelques heures. Le chaos de la ville l’aidait à ordonner ses pensées, par un jeu de miroir déformant qu’il avait appris à connaître — et à utiliser à bon escient. La pluie résonnait sur son imperméable, il était trempé, mais il n’en avait cure. Seule lui importait l’identité de celui — ou de celle — qui en avait après lui.
Il s’arrêta pour se tourner vers l’importun : le type mal rasé était émacié, vêtu de frusques qui avaient traîné dans la rue plus longtemps que le café de Johnson sur le bureau de ce dernier. Les cheveux clairsemés, mi-longs, dépassaient de sous une capuche vert bouteille. Johnson distinguait mal son visage, mais il aperçut un éclat de mauvaiseté dans son regard lorsque les phares d’un véhicule l’éclaira brièvement. Le SDF, probablement une autre victime de la politique anti-pauvres des mégacorpo, gardait les mains dans les poches de sa veste pour les abriter de la pluie diluvienne. L’ancien flic se rendit compte, à la faveur d’une manche mal descendue, que l’homme portait une prothèse cybernétique à la place du bras droit. Étrange…
La perspicacité de Johnson lui sauva une nouvelle fois la mise. Un type comme ça avec une prothèse aussi sophistiquée ? Le privé eut juste le temps de se décaler avant que le coup de feu parte : un trou fumant avait pris place dans le revers de son imper. Le type sortit les mains des poches, et Johnson comprit qu’il avait vu juste : un des doigts cybernétiques laissait échapper des volutes de fumée. Espérant que son agresseur ne disposait que d’un coup, et non de cinq, Johnson se jeta sur lui pour lui asséner un crochet du droit. L’homme esquiva et riposta de la même façon, avec succès. La force de la prothèse de cyberplast coupa le souffle à Johnson, mais son entraînement de flic n’était pas si loin, et il accompagna tant bien que mal le coup en se glissant sur sa droite. De là, il était en position pour ruer dans le type et l’envoyer valdinguer contre le lampadaire proche. La manœuvre réussit. Le « SDF » — Johnson doutait à présent être victime d’une vulgaire agression comme on en voit tous les jours dans les e-tabloïds — tenta de se ressaisir en empoignant le mobilier urbain contre lequel il avait cogné. Mais la pluie rendait celui-ci glissant, et sa main « valide », humaine, imparfaite, ne parvint pas tout à fait à s’y accrocher. Les réflexes de Johnson prirent le dessus. Sans réfléchir, il asséna un coup de pied direct dans le bassin du type, qui finit par basculer sur la voie, au moment ou un bus automatique passait. Celui-ci le happa et l’envoyer bouler contre un container.
Johnson se précipita. Il espérait pouvoir faire parler le type, même si celui-ci était visiblement en sale état. Mais celui qui devait être un assassin à la solde de l’ennemi de Johnson parvint à enfoncer une touche sur son cyber-bras, et l’ancien flic vit apparaître un holo bleuté qui n’annonçait rien de bon : 5… 4…
Johnson courut se mettre à l’abri, à présent certain qu’on en avait après lui, et lassé des explosions.
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