Au tout début de ce blog, j’avais dit que je parlerais beaucoup de JDR. L’Arpenteur du Web que tu es auras peut-être constaté que ce n’est pas vraiment le cas. Il est temps d’y remédier.

Il y a quelques jours, je me suis lancé dans la lecture de Play Dirty, de John Wick, auteur du Livre des Cinq Anneaux et des Secrets de la 7ème Mer. Pour faire bref, il s’agit d’une compilation de certains de ses articles de conseils au MJ.

Non, pas ce John Wick là

Non, pas ce John Wick là

Dans ces pages, M. Wick (oui, je lui donne du Monsieur) estime qu’il y a deux types de MJ : celui qui s’en remet aux dés pour décider si un PJ vit ou meurt, et celui qui ne veut surtout pas d’ingérence du hasard dans cette histoire.

Pour ma part, je me situe entre les deux, et voici pourquoi.

Dans ma carrière, j’ai surtout maîtrisé à trois jeux : L’Appel de Cthulhu, Loup-Garou et Prophecy. J’ai donc eu relativement peu de personnages-joueurs à tuer, et si je compte bien, il n’yen a eu que 5 qui ont passé l’arme à gauche (ou à droite pour les gauchers). Je vais vous les présenter (par jeu et non par ordre chronologique), ainsi que les raisons qui les ont amenés à leur perte (attention aux spoilers, hein !). Paix à leurs âmes.

L'Appel de Cthulhu, dans l'univers horrifique de Lovecraft

L’Appel de Cthulhu, dans l’univers horrifique de Lovecraft

Howard Blake Browning (Les Masques de Nyarlathotep)

Howard était un gars sympathique, un play-boy roublard qui trafiquait de faux fossiles pour les revendre à prix d’or. Lui et son groupe mènent l’enquête au Caire pour retracer le parcours de l’expédition Carlyle, disparue cinq ans plus tôt, et sur les traces de qui était leur ami Jackson Elias, qui a été assassiné presque sous leurs yeux.

Ils ont été approchés par un certain Omar Shakti, qui s’est d’emblée positionné comme un responsable du culte local, leur proposant un accord : il leur livre la position d’un homme qu’ils recherchent, et eux ne viennent pas fourrer leur nez dans ses affaires. Or, les PJ flairent un piège, et décident de ne pas tomber dedans. Ce qui a eu le don de mettre M. Shakti de travers (on pourra le comprendre : se faire limite rire au nez par de pauvres cancrelats qui osent de plus lui voler des objets importants, ça nous énerverait nous aussi). Et donc, M. Shakti décide de leur démontrer qu’on ne refuse pas une offre comme la sienne. Il fait déposer une bombe dans leur chambre d’hôtel. Malencontreusement, le poseur est un peu idiot, et c’est leur jolie voisine qui explose. Un peu excédés, ils décident de rendre visite à Omar, car Omar l’a tuer.

Sous le couvert de la nuit, ils s’introduisent dans sa demeure, discrets comme un troupeau de buffles au milieu du Musée du Caire. Lorsqu’ils rentrent finalement dans la chambre pour administrer sa dose de plomb à l’égyptien, ils se font surprendre par l’homme ainsi que par son chat-démon. C’est là que l’histoire est partie en vrille.

En effet, Shakti est chez lui, il est doué, il a entendu le troupeau de buffles, il a eu le temps de se préparer. La surprise change donc de camp. Ils finissent par en venir à bout, mais Howard se fait réduire à l’état de coque desséchée par un sortilège de Shakti, et les autres se retrouvent blessés, à deux doigts d’y passer aussi.

Alors pourquoi cette fois-ci, le tribut a-t-il été aussi lourd ? Pour plusieurs raisons :

– Shakti est un des sorciers les plus puissants de la campagne. Les PJ n’ont pas pris le temps de se renseigner sur lui (de vraiment se renseigner), ils ont foncé tête baissée, voulant profiter de la situation. Manque de préparation face à un adversaire des plus puissants.

– Shakti leur avait laissé une porte de sortie. La confrontation avec lui n’était nullement obligatoire. Ils ont voulu se venger, mais auraient peut-être dû faire profil bas cette fois-ci. Ce n’est pas vraiment héroïque, mais après tout, la vengeance, c’est pas très joli joli.

– Comme les autres adversaires, Shakti cherche à tuer. Mais là où un mauvais coup face à un adorateur isolé peut ne pas entraîner plus qu’une blessure sérieuse, ici, il s’agit d’un moment important, une confrontation au sommet. Il faut que les personnages et les joueurs sentent qu’ils ne sont pas immortels, pour pouvoir au mieux appréhender l’histoire. A défaut, ils foncent tête baissée, car ils savent qu’ils finiront au mieux à l’hôpital (au passage, finir à l’hôpital permet aux vilains de venir achever le travail. Pour peu qu’une lampe de chevet ne traîne pas par-là. C’est dangereux, une lampe de chevet dans les mains d’un PJ aux abois). Quelle gloire y a-t-il à faire face au danger si le danger n’est pas réel ?

– Ce combat fait suite à une série de décisions des personnages plutôt hasardeuse. Ils sont allés deux fois dans l’antre du Mal juste avant. Une fois aurait suffi. Ils ont eu peur, sont partis, sont revenus pour vérifier quelques trucs, ont été blessés… Bref, à faire des tours et des détours, il y a des conséquences (on est pas au mieux de sa forme, on a énervé des gens, et on fonce sans réfléchir pour rattraper le temps perdu). Action, réaction.

Ca m’a fait de la peine de tuer Blake, un personnage que j’aimais bien, mais il était insauvable sur ce coup. Le faire aurait desservi l’histoire.

Prophecy, jeu mediéval fantastique où les dragons règnent en maîtres

Prophecy, jeu mediéval fantastique où les dragons règnent en maîtres

Logan Grimnar (Les Guerres Humanistes)

Logan était un Combattant. Un homme qui vivait pour se mettre sur la gueule avec les autres, et montrer qu’il était le plus fort. Lui et ses amis étaient sur la piste d’un certain Karnage, un homme dont le nom était passé à la postérité pour des raisons évidentes. Ils avaient eu affaire à lui précédemment, et savaient qu’un culte lui était dédié et cherché à le ramener à la vie. Ce qu’ils finirent par faire. Lors d’une descente dans un de leur repaire, le groupe entendit un rugissement venir des tunnels : Karnage venait  pour eux. Sages, ils décidèrent de prendre la fuite. Mais doutant d’y parvenir avant l’arrivée du monstre, Logan décida de rester en arrière pour couvrir ses compagnons. On ne le revit plus jamais.

Pas de dés qui roulent, pas de combat narratif, pas de corps. Juste des adieux et une nouvelle fiche de perso. Pourquoi ? Parce que ça m’a permis de rajouter à l’aura de peur qui entourait Karnage : en un contre un, ils n’ont pas une chance. Logan a voulu se sacrifier pour ses camarades, c’est ce qu’il s’est passé. Ca aurait voulu dire quoi de le faire rejeter dans un caniveau, hein ? Que Karnage peut avoir de la pitié ? Il ne s’appelle pas Roudoudou, quand même…

Shawkir (Les Guerres Humanistes)

Cela nous mène à la mort de Shawkir. Quelques temps plus tard, ils retrouvent à nouveau la piste de Karnage. Mais cette fois, ils sont prêts, ils l’ont cherché, il ne leur tombe pas dessus par surprise. Et ils ont mis la main sur de la Puissance de Moryagorn (le nom évoque un dragon légendaire, Père de Tout, mais que personne n’a jamais vu). Il s’agit d’une drogue qui accroît considérablement le potentiel offensif de celui ou celle qui l’ingère. Avec un petit effet secondaire désagréable : au terme de l’effet, la personne peut mourir. Comme ça.

Ils auraient pu essayer sans cela. Ils auraient pu réussir. Mais ils connaissent Karnage, il a tué un de leurs amis, le plus puissant combattant de leur groupe. Ils ne peuvent pas se permettre de le laisser s’en tirer, et ils veulent prendre le moins de risques possibles. Shawkir décide donc, en bonne Protectrice, de boire la décoction juste avant le combat. La Puissance coule dans ses veines, et au terme d’un combat épique, Karnage est vaincu, définitivement (du moins peut-on l’espérer).

Vient le moment de la descente. Il y a une chance de survivre, elle est mince, mais elle existe. Le joueur saisit son dé, le lance, et rate. Shawkir meurt. C’est arbitraire, mais le cadre était posé dès le départ : tu la prends, tu peux en mourir. Et il y a de fortes chances que ça arrive.

Revenir sur ce qui a été dit ? Sans moi. Le sacrifice ne sert que s’il existe réellement (comme pour Logan, tiens…)

A suivre…