Des fois, il en faut peu pour relancer une machinerie :
« Si tu as un avis détaillé sur ce bouquin, je suis preneur » entraîne « ah, mais dis, ça fait longtemps que je n’ai pas écrit pour mon blog ». En même temps, j’écris beaucoup ailleurs… mais c’est l’occasion de le faire avec mes mots, sans contraintes.
Donc, je vais vous parler de Taroticum & autres récits, un recueil de près de 230 pages de scénarios pour Kult : Divinité Perdue, la quatrième édition de KULT, paru en VO chez Helmgast et en VF chez Arkhane Asylum Publishing, et dont j’ai assuré la relecture (histoire que vous voyez d’où je parle).

Taroticum
Pour les personnes qui me connaissent un peu, ce n’est pas une surprise : j’adore KULT et son univers sombre. Et tout a commencé vers 2003, avec, justement, Taroticum. Autant dire que je connaissais assez bien la campagne pour l’avoir vécu en direct.
Dans ce récit situé à Londres (entre autres…), les PJ doivent lutter pour éviter qu’un certain tarot tombe entre les mains de la mauvaise « personne ». Sur une structure assez classique (le texte date des années 90) viennent s’ajouter quelques petits éléments assez sympa, permis par l’univers du jeu. Notamment un prologue qui, si le meneur le déroule correctement, va surprendre les joueurs par son dénouement.
S’ensuivent six chapitres qui vont entraîner les PJ dans les endroits les plus glauques de Londres, et d’au-delà. À mon sens, cette campagne est parfaite pour introduire de nouveaux joueurs à KULT, puisqu’elle va brosser un panorama large de ce qui est possible dans ce jeu. On touche du doigt plusieurs royaumes, on croise des créatures emblématiques, et surtout, les révélations ne se contentent pas d’esquisser un schéma d’ensemble abstrait : on se frotte vraiment à du sale et du noir. La Folie et la Passion sont très présentes, et les PNJ tous plus dérangeants les uns que les autres, mais, pour la plupart, tout en nuances de gris.
On est là sur l’essence même de KULT, selon moi. Avec son prologue mémorable, ses PNJ grandiloquents et ses virées par-delà le voile, Taroticum reste une des meilleures campagnes du jeu. La remise au goût du jour est agréable et ne perd rien en saveur.
Néanmoins, comme je le disais, la structure reste très « old school ». Ce qui n’est pas vraiment le cas des…
Autres récits
La campagne est suivie de six scénarios indépendants. Comprendre : inutile d’essayer de les lier, ça ne marchera pas. Du tout. Tour d’horizon.
L’exposition des atrocités
Les PJ assistent au vernissage d’une exposition des peintures de Vauquelin (un peintre dont on retrouvera le nom glissé à d’autres endroits de la gamme, à ma grande surprise) qui, comme les dragon balls, on un effet rigolo quand on les rassemble… enfin, « rigolo »… on se comprend. Les PJ devront naviguer dans ce cauchemar en huis-clos (quoique, quelques twists permettent de prendre l’air) pour essayer de survivre à la soirée.
Ce scénario bénéficie d’une modernité qui fait défaut à Taroticum dans sa présentation. En effet, bien que découpé en plusieurs actes avec des scènes majeures pour chacun, l’ensemble est présenté de manière séparée, avec les thèmes du scénario, les plans des lieux, des conseils au MJ, l’évolution des menaces, les scènes en elles-mêmes, et charge ensuite au MJ de mêler le tout.
Le scénario se tient en lui-même, mais peut sans grand mal être intégré à une campagne. Dans ce cas, vous pouvez préparer la soirée en donnant des liens entre PJ et PNJ, en amont.
Du KULT assez classique, mais assez efficace dans ses enjeux.
Thèmes : la peur de la mort, la jeune fille et la mort, la mort, la connexion de l’âme à l’art
La Cena
Alors là, on est sur du conceptuel, à ne pas mettre à toutes les tables (aha) :
Miami, 1967. Une famille de Cubains immigrés, aisée, vient à l’aéroport chercher son dernier fils.
Première scène, dans le taxi. Ensuite, repas de famille.
Évidemment, comme tous les repas de famille, ça ne va pas se dérouler comme prévu, et les vilains petits secrets vont ressortir. Mais… pourquoi, d’ailleurs ?
Ce scénario, fourni avec ses PJ, fonctionne sur les questions que va poser le MJ aux joueurs, pour creuser, encore et encore, ce qui se trouve dans la tête des personnages. On est donc sur une intrigue assez psychologique, où l’intérêt est plus de découvrir les personnages que de véritablement lutter contre une entité malveillante. La dernière partie s’articule autour des plats que l’on sert à cette cena : à chaque plat sa question. La révélation finale risque de perturber encore plus cette famille qui aura vécu le pire repas de sa vie.
En toute honnêteté, ce n’est pas mon scénario préféré du recueil. Je préfère les intrigues plus grandioses qu’intimistes, pour ce jeu, mais son potentiel n’est pas à négliger pour autant.
Thèmes : conflits familiaux (no shit), claustrophobie, assimilation
L’île des morts
Boum, du survival/slasher/extrême. Après La Cena, ça fait bizarre. On a ici un gros scénario de près de trente pages, PNJ, prétirés, plans et cartes d’équipement compris. Autant vous dire qu’on ne fait pas le tour de cette île en une seule session.
Vous connaissez Lost ? Bin là, pareil : crash d’avion, les survivants se retrouvent paumés sur une île… pas si déserte que ça, et évidemment, pas au bon moment. Et bien sûr, les sombres secrets des PJ vont s’en donner à coeur joie.
La structure du scénario tourne autour des différents lieux à visiter, avec chaque fois des événements possibles ou indispensables. Plusieurs fins sont possibles, selon les décisions des PJ, qui pourront tenter de nuire aux Puissances supérieures présentes ici.
Le potentiel gore et surnaturel de L’île des morts, avec un aspect assez pulp, au final, s’éloigne un peu du KULT classique, mais s’avère assez rafraîchissant après La Cena. Et la présentation plus classique (avec plans, descriptions et aides de jeu) parlera peut-être plus aux MJ qui veulent une base solide.
Thèmes : survie, violence et douleur, culpabilité (coucou, c’est la finesse)
Le domaine Laraine
Le domaine Laraine est une histoire de maison « hantée » : les PJ (des prétirés) doivent s’introduire dans ce vieux domaine pour retrouver une exploratrice urbaine qui y a disparu. Toute une partie du scénario tourne autour de la visite des pièces de la maison, jusqu’à, enfin, trouver les souterrains. Là, la Passion enflamme les cœurs et les corps, et les PJ devront trouver le moyen d’éviter… bon, disons une apocalypse de plus. En tout cas, s’ils n’y parviennent pas, le monde en sera changé à jamais, je pense.
Comme à chaque fois que le royaume de la Passion entre en scène, n’oubliez pas de vous assurer de ce que contient votre contrat d’horreur. Certaines personnes peuvent n’avoir aucun souci avec les tripes et les griffes qui lacèrent le muscle, mais vont avoir plus de mal avec… eh bien… la Passion.
Le scénario est relativement court et ne devrait pas vous demander plus de quelques heures.
Thèmes : l’amour, sous toutes ses formes
Sur les hauteurs de Oakwood
Si je devais conseiller un scénario de ce recueil, ce serait celui-ci. Une inspectrice, un procureur, une psychologue et un flic accompagnent un tueur sur les deux scènes de ses crimes pour une reconstitution.
Y a-t-il vraiment besoin d’en dire plus ? On est dans KULT, qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?
Tout, tout, tout est absolument génial dans ce scénario : des prétirés (avec leurs sombres secrets) à la vérité sur le tueur, en passant par les lieux et l’ambiance, et, bien entendu, jusqu’à la conclusion… tout, vous dis-je.
Quelques aides de jeux complètent le scénario.
Thèmes : affirmation, relations parents/enfants
Toujours plus haut
Alors, je vais être honnête, j’ai du mal avec les scénarios de KULT qui se déroulent dans une ville imaginaire, que l’on appelle juste La Ville. Bon, là, c’est le cas. Donc déjà, ça me chiffonne. Mais force est de constater que ce défaut est balayé assez facilement, puisque Novaville peut très bien être renommée et placée ailleurs.
Et là, l’ambiance nous choppe à la gorge et ne lâche pas :
Les PJ (pas de prétirés cette fois-ci, mais on vous propose différents types de groupe) doivent se rendre dans ce quartier pour récupérer leur McGuffin et finissent, après des péripéties plutôt tournées action, par devoir gravir les trente étages d’un immeuble. Et quand l’immeuble se trouve plus ou moins en Inferno, autant vous dire que ce n’est pas super reposant.
On a ici deux bacs à sable, entre Novaville et le complexe Monarque. Chacun est décrit suffisamment en détail pour s’amuser à l’explorer pendant quelques heures.
Point fort : les trente étages de l’immeuble sont décrits (sur quelques lignes).
De nombreux conseils au MJ permettent de profiter au maximum de ce scénario qui mêlent action et découverte… et choix difficiles (on reste dans KULT).
Thèmes : isolement, violence, désespoir, ascension (t’as vu, y a un immeuble)
En concluture
Taroticum et autres récits est, selon moi, un excellent recueil de scénarios, puisqu’il regroupe une campagne (assez longue) et six scénarios indépendants, certains courts et d’autres plus longs, autour de thèmes variés qui permettent d’explorer plusieurs pans de la cosmologie de KULT.
On y trouvera donc plusieurs récits à son goût, même si un ou deux peuvent nous laisser sur notre faim ou ne pas correspondre à notre sensibilité. Néanmoins, la variété étant, selon moi, l’élément le plus important de ce type d’ouvrage, je ne peux que vous le conseiller si vous aimez cet univers.
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